MICHELANGELO MODICA

TEXTE EXTRAIT DU CATALOGUE

Peintre autodidacte comme il aime à le dire, Michelangelo MODICA ne fréquente aucun cours de dessin ni académie de peinture.

Après ses études, il entre dans la vie active et attaque tous les métiers qu'il écarte les uns après les autres pour s'entrouvrir les chemins de la liberté, liberté que peut donner la Peinture, si on y est prêt, ce qui veut dire que pour le peintre, la Peinture est le lieu où personne ne lui fait la loi, en ce sens que la liberté est dans le champ de la toile.

Cela permet un engagement plus radical de l'être, élimine des méfiances et des peurs stérilisantes, débride les désirs, ouvre la voie au travail. Mais l'émotion ne coule pas directement sur la toile par le tube.

Alors MODICA entre en peinture comme on entre en religion, choisissant une rigueur de vie, s'acharnant à apprendre le plus et le plus vite.

Il découvre NICOLAS DE STAËL, s'enthousiasme pour sa peinture, la garde à son chevet.

Puis il voyage, en Italie surtout, et c'est au cours d'un de ces périples qu'il découvre les fresques de GIOTTO puis celles de PIERO DELLA FRANCESCA, il est émerveillé !

Il veut apprendre l'art de la fresque et l'apprend à Sienne auprès du maître CHITI

Ces diverses influences sont décisives.

Mais l'influence ne s'exerce pas par voie d'imitation, elle s'exerce par une confrontation aux questions que lui posent les oeuvres des aînés.

Il faut encore voir assez clair et avoir l'énergie suffisante pour transformer tout ce dont on hérite, pour gagner quelque chose, pour élargir son territoire.

La seule chance d'être un peintre, c'est d'avoir assez de détermination pour prendre le large, s'enfoncer dans sa vérité.

Ce que cherche MODICA et qu'il trouve, il n'en devient que peu à peu conscient : la flamme, le silence et la solennité des oeuvres des grands maîtres toscans s'installent comme la référence de son travail…

Biography ( Significant phases)

As the self-taught painter he likes to call himself ,

Michelangelo MODICA never attended classes or academies.

After leaving school , he entered the working world and tried his hand at several jobs , which he abandoned one after the other in order to open the gates of the liberty which painting can give , if one is ready . for the painter this means the place where no law can be dictated , where liberty lies within the canvas.

This enables the artist to become more radically committed , it eliminates distrust and sterilising fears , unbridles desires and opens the door to work.

However , emotion does not flow directly from the tube to the canvas.

And so the artist enters his world of painting as one enters religious orders , deliberately choosing a life of rigour , desperately set to learn as much as quickly as possible.

He discovered Nicolas de Staël , became enthousiastic about his painting and kept him by his bedside.
Then he travelled , particularly in Italy , and it was during one of his tours that he discovered first Giotto’s then Piero della Francesca’s frescoes; he was filled with wonder!

He wants to learn the art of the fresco and did so at Sienna with the master-painter Chiti.

However, influence does not show itself through imitation , but through a confrontation to the questions which the work of the old masters raise.

One has to be sufficiently lucid and energetic to transform everything one inherits , to gain something which will enlarge one’s own territory.

The only way to become a painter is to have enough energy to lift anchor and plunge into one’s “own” truth .

What Modica looks for and finds , he become aware of only gradually ,the fire , the silence and the motionlessness of the great Tuscan masters and the directness of Nicolas de Staël become established as the reference of his work .

But work is not the correct word ; it is rather the effort to create oneself . “ being an artist does not mean painting pictures , but renouncing all the easy ways and going beyond one’s limits”.

EXTRAIT d'une CONFÉRENCE de MODICA

Écrire de la prose ou de la musique, peindre ou sculpter est l'aventure la plus solitaire, car il s'agit d'avancer en soi plus loin que le plus loin où l'on puisse conduire autrui et atteindre ces régions où seul demeurent l'artiste, le spectateur, et un troisième, innomable, indéfinissable, ces régions où l'oeuvre d'art, le spectateur et le divin s'identifient. Nous pourrions dire que l'artiste est un médiateur, un médiateur entre le dieu et l'homme, entre l'homme et les lois secrètes de la nature.

C'est dire qu'ici il n'y a aucune place pour le compromis.

Je pense au rayonnement muet des statues colonnes de Chartres

ou bien encore au rayonnement muet des pêches de Jean SiméonChardin …

Là, l'homme s'efface, le "faire" est invisible,l'oeuvre est pure et s'interdit toute originalité.
Car ce n'est pas l'originalité d'une oeuvre qui fait sa grandeur, c'est sa grandeur qui fait son originalité.
Et cela ne trouve pas sa source dans l'instinct, mais dans la vie spirituelle de l'artiste.

La perte de spiritualité chez beaucoup d'artistes fait que ce qu'ils produisent n'est plus de l'art mais seulement une recherche formelle chaotique destinée à la vente, élaborée avec des effets de choc et d'excitations continues, fatalement croissantes dans une surenchère sans issue.
Rien de plus étranger ici à la beauté et à la vérité.
Aujourd'hui et depuis un certain Marcel Duchamp le concept spirituel a été banni et l'on pense qu'il suffit de laisser aller son instinct pour être un artiste.

ELIE FAURE

la Recherche de l’Absolu (extrait)

“Cette exigence impitoyable qui monte des profondeurs de l’inconscient pour peupler la pensée d’images et donner à la volonté l’ordre de les réaliser, voilà le vrai sel de la terre et l’aliment des héros.
Je songe aux destinées de la plupart des maîtres, si diverses, mais où presque toujours on découvre cette fureur à traverser la vie d’outre en outre, dût-on laisser de sa chair après elle, dût-on lui prendre de sa chair, pour suivre un fantôme inconsistant dès qu’on le touche, et dès qu’il vous échappe reprenant une forme arrêtée, toujours la même, toujours nouvelle, ne vous laissant jamais aucun repos avant que vous ne l’ayez saisie pour une courte ivresse et une déception de plus.
Je songe à Ghirlandajo, accablé de commandes, toujours dépassé par sa production, parlant de couvrir de peintures toutes les murailles de Florence.
Je songe à Signorelli déshabillant le cadavre de son fils pour le peindre, larmes rentrées, coeur contracté dans l’angoisse commune de la fièvre créatrice et du chagrin.
Je songe à Tintoret vivant dans un tourment de fécondation continu, enfermé les jours et les nuits, peignant à la lueur des lampes, pour peupler les couvents et les églises des formes tourmentées qui germent sans cesse de lui.
Je songe à Michelange vérouillé cinquante quatre mois à la Sixtine avec son pain, sa cruche d’eau, en sortant chancelant, décharné, vidé, aveuglé du jour.
Je songe à Rubens dont la création colossale fend la vie comme une étrave, son faste, ses ambassades, ses amours n’étant que l’écume du sillage derrière lui.
Je songe à Rembrandt quittant tout, succès, amitiés, fortune, peinture lisible de tous, pour laisser la ruine, la misère, l’ivrognerie peut-être s’installer à son foyer, parcequ’un jour il a surpris en lui une image du monde qui ne ressemble plus qu’à lui.
Je songe à Poussin refusant les présents du roi de France parce qu’il voit chaque jour, du seuil de sa petite maison du Pincio, les motifs de son émotion se renouveler pour lui.
Je songe à Goya vert de peur, suspect à l’Inquisition, suspect aux Bourbons, suspect aux Français, mais plutôt que de ne pas peindre avec ses jets de feu ou attaquer son cuivre au vitriol, criblant l’Inquisition de flèches, calottant les Bourbons, égorgeant les Français.
Je songe à Gros vieux et illustre, poursuivant sa forme fuyante jusque dans les roseaux de la Seine et enfonçant sa bouche dans la vase, pour l’y boire avec la mort.
Je songe à Constable à qui l’humidité verdoyante des champs, les bourgeons qui pointent, les herbes qui poussent répètent sans le fatiguer “je suis la résurrection et la vie”.
Je songe à Cézanne crispé sur sa besogne ingrate, sourd à tous les bruits du monde, trente ans ferme au milieu des sots, peignant comme un forcené pour le soulagement du monstre qu’il sent en lui seul, oubliant sa toile dans les champs parce qu’il a vu quelque flamme poindre au niveau de son esprit.
Je songe à Renoir, ruine humaine, ossifié, rejeté par le rhumatisme, ne pouvant ni se lever ni se coucher et faisant naître incessamment les seins, les ventres de femmes, les roses, les anémones, de son pinceau attaché au poignet.
Je songe à Hokusaï, le vieillard fou de dessin, affirmant qu’à cent dix ans il saurait enfin donner la vie à tel point, à telle ligne...

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